Environnement

L’urbanisme parlons-en ! Entretien avec Thierry Deguilhem

Modifié le 30/06/2022
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Entretien avec Thierry Deguilhem

Vice-président en charge de l’urbanisme 

Le PLUi a vocation à mettre en musique l’aménagement du territoire pour les dix prochaines années. Comment expliquez-vous la nécessité d’établir de nouvelles règles de planification de l’urbanisme et d’aménagement ?

 

« Depuis la fin des années 90, nous avons constaté un changement dans la morphologie du paysage rural. À cette époque tout était orchestré à l’échelle de la commune par le plan communal. Un exemple simple : avant la règle c’était 5 maisons dans un périmètre de 100 m, quand cela n’était pas suffisant on faisait des dérogations pour augmenter les constructions qui ont fleuri sur l’ensemble de nos communes ; Aujourd’hui on considère qu’il  faut  5 maisons  distantes de  50m pour avoir une enveloppe bâtie dans le PLUI!  À cette époque, tout était orchestré à l’échelle de la commune sans se soucier, ni de l’environnement, ni de tout un tas de choses. Ce qui qui était important c’était la tranquillité, la belle vue que l’on avait depuis chez soi. On s’intéressait plus au bien être individuel. C’est ainsi que l’on se retrouve avec un large étalement des zones d’habitat, un mitage urbain  et des incohérences sur certains secteurs : d’un coté de la route on pouvait construire et de l’autre côté on ne pouvait pas parce qu’il s’agissait de deux communes différentes! Aussi, il était indispensable que les règles changent. Le nouveau document d’urbanisme a pour objectif d’harmoniser les constructions non plus à l’échelle d’une commune mais à celle du territoire intercommunal en intégrant  les enjeux environnementaux et paysagers.

La construction d’un territoire durable est un enjeu important pour l’avenir. Il faut organiser une coopération entre les communes autour d’un projet de territoire commun. L’urbanisme a changé, il s’est considérablement complexifié dans sa forme et dans ses règles afin de mieux prendre en considération la question de l’environnement, la gestion de la ressource en eau, les réseaux, les zones humides, les problèmes d’inondation, toutes ces choses qui ont été un peu oubliées avant!

En changeant d’échelle, les collectivités peuvent décider que le développement va être privilégié sur une zone qui n’était pas celle prévue dans le cadre d’un PLU communal. Le rôle des élus est donc d’aménager l’espace à partir « d’un projet de territoire Il faut créer  les conditions d’un développement équilibré durable, en définissant des zones résidentielles, naturelles, agricoles et commerciales…”

Liorac Territoire Bio Engagé

Ces constantes évolutions des textes rendent la démarche difficile à cerner pour l’ensemble des habitants. Que dîtes-vous à ceux qui se sentent un peu dépossédés de leur bien ?

TD : “Oui, bien entendu, les choses sont de plus en plus complexes et en effet, nous abordons une problématique compliquée par rapport aux gens qui vont perdre des terrains qui seront dévalorisés parce que non constructibles. Cependant, nous remarquons quand même une prise de conscience de la part des habitants qui se rendent compte que l’on a laissé faire n’importe quoi : on pouvait tout construire (à part ce qui relevait de la doctrine nationale à savoir le toit terrasse ou la forme de certaines maisons), le plan communal définissait les choses un peu à la carte sans regarder ce qui existait autour. On a donc créé de grandes zones constructibles occupées sur un tiers de leur surface voir la moitié. Les successions se calculaient en fonction des terrains constructibles autour de la maison.

Bien entendu la prise en compte des réseaux aura un coût et le nerf de la guerre c’est l’argent!

C’est très compliqué parce que parfois il faut faire un renforcement du réseau d’eau – qui doit être pris en charge par la commune et non par la communauté de communes.

Il faut donc sensibiliser les maires, mes collègues, sur la nécessité de prendre en considération tout ces aspects là – autrefois on mettait un terrain en zone constructible et on ne regardait pas si il avait les réseaux ou pas. Aujourd’hui on prend conscience qu’il faut renforcer les installations en aval c’est à dire que cela concerne la gestion du domaine public. Ainsi on s’est rendu compte que l’on a dépensé beaucoup d’argent sur des renforcements de réseaux pour alimenter tel ou tel endroit et maintenant, la collectivité va devoir assumer le coût de l’entretien du réseau obligatoirement. Il est donc urgent de rationaliser les choses pour gagner en cohérence.

Un autre exemple : la sécurité  incendie a aussi été occultée pendant très longtemps : on permettait d’aller pomper dans une piscine (si elle était accessible) ou dans un court d’eau ; maintenant cela n’est plus possible. Il faut alimenter les villages de bâches-incendie quand il n’y a pas de bornes pour obtenir un maillage raisonné sur l’ensemble du territoire. Ce sont des frais supplémentaires qui viennent s’ajouter au coût de la construction. Nous devons convaincre les habitants qu’il faut rationaliser l’urbanisme.

Les législations se durcissent, la conséquence c’est qu’une bonne partie des terrains constructibles aujourd’hui ne le seront plus demain. La Loi Climat et Résilience confirme cette réduction des surfaces artificialisées, l’État nous impose une réduction de l’artificialisation des sols, ce qui a été fait depuis 10 ans sera réduit potentiellement de moitié. Celui qui a peu consommé, en aura moitié moins!
Mais, il ne faut pas avoir peur et ne pas trop se poser de questions sur des secteurs où il n’y a pas d’enjeux particuliers. Ce n’est pas parce que la zone va changer que les gens ne pourront pas faire quelque chose sur leur terrain (annexes, piscines …), par contre ils ne pourront pas construire une autre maison, mais sur certains secteurs  ils ne l’ont pas fait pendant 10 ans!

Chaque commune doit avoir une orientation en fonction de sa spécificité : ceux qui ont une école doivent faire venir de nouveaux habitants et donc valoriser leur commune, ceux qui n’ont pas d’école s’orienteront vers le tourisme, le bien-être et le patrimoine, … chacun doit profiter de sa particularité. Le nouveau PLUI va aussi privilégier les zones patrimoniales”.

“Bien entendu, il s’agit de ne pas bloquer une commune qui a des projets de développement et d’attractivité par rapport à une commune qui a construit beaucoup et qui n’a plus de projets à venir. Beaucoup de petites communes veulent préserver leurs petits hameaux et leur bourg. Il faut les aider et les accompagner dans ce sens mais il faut cesser de penser intérêts particuliers pour penser collectif ! À terme, tout le monde sera gagnant”.

Lalinde @F. Canar

Dans cette configuration, comment allez-vous appréhender la dynamique démographique et la question de l’habitat avec moins de terrains constructibles ?

TD : « La question de l’habitat est essentielle et encore plus depuis le confinement. Nous allons avoir moins de terrains et plus d’espaces de biodiversités préservés en zones naturelles et zones humides, oui c’est vrai. Et nous risquons d’avoir une demande croissante de gens qui viennent s’installer chez nous d’autant plus que toute la couronne de Bergerac est saturée, les alentours de Sainte Agne, Varennes et Lanquais concentrent la plupart des demandes pour le moment. Donc comment accueillir ces nouveaux arrivants qui cherchent une meilleure qualité de vie ? Ou encore ces enfants qui reviennent chez leurs parents pour faire un projet de vie ?

Nous souhaitons les accompagner par la reconquête de l’existant. En effet, nous avons en moyenne 11% de logements vacants sur le territoire, les 4 pôles de proximité que représentent Beaumontois, le Buisson, Lalinde et Monpazier concentrent 45% de la vacance du territoire intercommunal. Ce sont des logements ou bâtiments que l’on a laissé mourir. Ce PLUI qui vaut aussi Programme Local de l’Habitat va nous permettre d’apporter des solutions pour accompagner à la rénovation d’une ancienne maison, d’une ferme, d’un appartement  …

Notre métier en temps que maire c’est d’attirer les gens pour faire vivre nos villages toute l’année et pour que les gens s’installent ici à l’année il faut leur donner des emplois, des écoles, des services et aussi et surtout la fibre! Tout se recoupe : un territoire préservé, des constructions intégrées et raisonnées, des nouveaux arrivants qui viennent chercher une meilleure qualité de vie.

Notre volonté est aussi d’attirer de nouveaux exploitants agricoles pour qu’ils reprennent les fermes car la aussi nous avons un problème. Il y a 20 ans il y avait encore des fermes avec un petit lopin de terrain qui arrivaient à vivre d’une culture raisonnée. On était le grenier de l’Europe aujourd’hui ce n’est plus le cas . Certains domaines jusqu’à 100ha qui entourent une maison ont été mis en Pac alors qu’il ne se passe rien dessus. Concernant les terres agricoles, se pose aussi le problème du changement de nature de certaines d’entre elles ces dernières années. En effet, des terres agricoles qui étaient humides ont été transformées en zone résidentielles. On y a concentré du béton et le problème c’est que le béton n’absorbe pas l’humidité, cela fait une nappe d’eau qui crée des dégâts sur les constructions. Il y a eu des erreurs de faites avec les documents d’urbanisme.

“Enfin, il est également indispensable de redynamiser les centres bourgs. Il faut donc reconquérir avant d’ouvrir à l’urbanisation à nouveau. Tout est lié aux pôles de proximité, en effet la vie des communes rurales dépendra de l’attractivité des communes pôles”.

Où on en est-on de la finalisation du PLUI ?

TD : “Normalement fin 2023 dans le meilleur des cas”.

Vous avez effectué récemment une tournée sur les 47 communes de la communauté de communes. Quel en était le motif ?

TD : “La tournée des communes a permis de mieux connaitre les projets communaux et les activités économiques qui peuvent nécessiter des zonages spécifiques. Ces visites ont permis de  commencer à travailler une ébauche de zonage avec les élus municipaux. J’en profite pour remercier tous les maires pour leur accueil chaleureux”.

 

 

 

 

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