Cadre de vie

Le Chély – Des vergers au moulin

Modifié le 17/01/2022
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“Notre préoccupation première c’est la qualité. On ne veut pas recevoir un coup de fil d’un client pour nous dire qu’il y a un problème de qualité”

Vergers de noyers

À Lalinde, Lucie et Nicolas de Guitaut exploitent les vergers du Chely, 40 ha de noyers dont les fruits sont vendus au détail et dont est extraite une huile fabriquée de façon artisanale dans leur laboratoire. Ils nous confient ici le récit de cette aventure familiale.

Lucie, Nicolas, et leur chien

 

 

Entretien croisé avec Lucie et Nicolas de Guitaut
Photos François Canar

Vous êtes jeunes, diplômés, vous incarnez une catégorie de personnes qui peuvent se reconnaitre dans votre profil et votre démarche, expliquez-nous comment est né votre projet d’installation à Lalinde ?

Lucie de Guitaut (LdeG) : “J’ai toujours participé aux travaux de la ferme avec mes parents quand j’étais enfant. C’était une ferme de polyculture élevage d’une centaine d’hectares qui comprenait 100 blondes d’aquitaine, des poulets fermiers élevés au maïs, produit sur l’exploitation. En 1992, mon père décide de planter des noyers. Il s’est dit que ses terres n’étaient pas très bonnes mais qu’il avait deux filles et que planter des vergers signifiait qu’au mieux l’une d’entre elle reprendrait la suite et qu’au pire cela aurait toujours plus de valeur que des prairies. C’était un pari risqué, pas dans l’air du temps à l’époque. Il a donc planté 20 ha de noyers contre l’avis de tout le monde. Puis en 2010 il a fait le choix de passer en bio avant même que se développe l’engouement pour le bio. Il a toujours eu une vision et de bonnes intuitions. Moi, entre temps j’avais fait des études scientifiques, un Deug de Bio mais cela ne me plaisait pas vraiment. Ma sœur faisait une école d’ingénieur agronome à Toulouse (IE Purpan) ; elle m’en a pas mal parlé, cela m’a tenté, donc j’ai passé les concours et j’ai été reçue. A partir de là je me suis vraiment éclatée parce que j’avais trouvé ma voie.

Une fois mon diplôme en poche, je voulais poursuivre un cursus à l’étranger. Nous étions deux retenus pour un poste à New York et je n’ai pas été sélectionnée au dernier entretien. Un jour, un monsieur est venu sur l’exploitation faire une évaluation de foncier et il m’a proposé de venir travailler à la SAFER du Lot et Garonne parce qu’on poste se libérait pour au départ à la retraite, sur un secteur avec un gros challenge et une grosse activité. Alors j’ai voulu essayer car je voulais rapidement rentrer dans la vie active. Je suis donc partie à Agen pour travailler dans le domaine de la négociation foncière. Pendant 10 ans, j’ai aimé discuter avec des gens qui avaient des projets, des agriculteurs surtout. Plus je discutais avec des agriculteurs entreprenants plus j’avais envie de reprendre la ferme.
Puis j’ai rencontré Nicolas, et ce projet s’est affirmé petit à petit. Je lui ai dit vouloir prendre la suite de mes parents, et il a trouvé le projet super. Nous nous sommes mariés en 2013, et assez vite mes parents m’ont proposé de me projeter un peu plus : une installation en agriculture, ça se prépare! Dès 2014 les choses commencent à s’enclencher : création de la SCEA, début de la vente directe à des magasins spécialisés (je m’occupe de la partie commerciale durant mes temps libres), de plus en plus de weekends se déroulent en Dordogne pour passer du temps dans les vergers…
Entre temps nous avons eu nos deux enfants. En été 2017, nous avons franchi le cap en quittant Agen et nous installant à Lalinde.

Nous pouvons imaginer aisément que pour un jeune couple avec deux enfants petits, venir s’installer à la campagne dans un endroit isolé ce n’est pas très simple et c’est aussi une prise de risque ?

LdeG : “C’est toujours risqué de quitter deux postes de salariés – il ne fallait pas se planter. Moi j’ai adoré mon boulot pendant 10 ans, et puis j’ai commencé à m’ennuyer. Nicolas a continué pendant un an à travailler pour son entreprise depuis Lalinde (sur les marché mondial des céréales), mais lui aussi a eu envie de faire autre chose au bout de 10 ans.
Ici cela commençait à être difficile pour mes parents. Ils nous ont toujours beaucoup aidés, et là nous nous sommes dit qu’il fallait aussi les soulager un peu. Il a donc fallut s’organiser. Nicolas a quitté son job et  proposé de venir à temps partiel, le temps de trouver autre chose. Gérard, mon père, nous a dit « laissez-vous un an pour vous faire une idée et on en reparle».
Nous n’en avons jamais reparlé !

Je suis devenue gérante exploitante avec la majorité des parts – mes parents sont encore associés dans la structure, et en parallèle je me forme à l’expertise foncière. C’est quand même bien de continuer à voir du monde et d’avoir une activité intellectuelle à l’extérieur. À 38 ans, on ne sait pas ce que l’avenir nous réserve”.

 

Comment vous êtes-vous structurés entre 2014 et 2017 ?

Nicolas de Guitaut  (NdeG) : 2014 c’est aussi l’année où mon beau-père, qui ne vendait pas en direct, a mis sept mois à obtenir un prix pour ses noix et encore pas à un taux vraiment satisfaisant. Moi qui travaillais sur la gestion du risque de commercialisation pour les agriculteurs et industriels, j’ai trouvé cela complètement aberrant. Il supportait tout : le poids de la terre, les investissements, le matériel … et n’avait aucune prise sur le plus important ! Lucie et lui ont décidé de changer de système. Lucie allait trouver des marchés pour développer un réseau de vente directe. Progressivement, je me suis greffé au projet, plus dans la partie agricole et transformation. Le nouveau hangar a été fait dans ce but : pouvoir travailler au propre, dans les normes, et nous laisser la possibilité de développer d’autres produits”.

Quelles sont les valeurs de la marque
« Le Chély » ?

 NdeG : Notre préoccupation première c’est la qualité. On ne veut pas recevoir un coup de fil d’un client pour nous dire qu’il y a un problème de qualité, donc nous passons énormément de temps à trier. Nous sommes aussi des agriculteurs : il faut nous occuper des vergers (et 40 ha, ça occupe pas mal). 

Nous nous appuyons sur un réseau compétent : Chambre d’Agriculture, Syndicat de la Noix (qui gère l’AOP Noix du Périgord). Ces personnes et techniciens ont de l’expérience, font des essais et nous aident à prendre un peu de recul dans notre itinéraire cultural.

Nous avons besoin d’être bons en transformation (énoisage, production d’huile, production de farine), et en même temps il nous faut du temps pour travailler dans les vergers (taille et entretien, notamment). Nous avons donc investi dans du matériel de transformation pour nous permettre de tout gérer au mieux. Et heureusement que Gérard bricole, parce qu’il faut tout le temps adapter les machines. Et moi, je ne viens pas du tout de ce milieu, dont j’ai tout à apprendre”.

Votre démarche est artisanale, respectueuse des équilibres naturels. Comment procédez-vous contre les prédateurs et pour sélectionner vos noix ?

NdeG : Nous avons deux ravageurs vraiment problématiques : le carpocapse (papillon) et la mouche du brou. Pour le carpocapse, nous travaillons avec des phéromones, qui empêchent leur reproduction. Pour la mouche, nous utilisons de l’argile (kaolin – totalement naturel) que nous pulvérisons sur les arbres. C’est pour cela que leur aspect est un peu blanchi durant l’été. En plus, le kaolin aurait la vertu de protéger les noix du soleil. En bio, il faut avoir du temps pour observer ce qu’il se passe dans le verger. C’est ce qui m’intéresse le plus, et petit à petit je me forme. La production, les vergers et à la fin de la chaîne, je suis très heureux quand je suis dans mon huilerie, j’essaye des choses, je teste…

Lucie de Guitaut : Moi ce qui m’intéresse le plus c’est le commerce : aller à la recherche de nouveaux clients et chercher de nouveaux produits, élargir la gamme.  Je m’occupe aussi du contrôle qualité. Nous irriguons, donc nous avons des calibres importants – Nous ne vendons en coques que les gros calibres. Les petites noix sont cassées : une partie des cerneaux est destinée au vrac, une autre à l’huile”.

Quel type d’extraction utilisez-vous pour l’huile ?

NdeG : Pour l’instant, je reste dans la tradition périgourdine en faisant de l’huile à chaud. C’est super bon, cela apporte des arômes de toasté – grillé – torréfié. Le cycle d’une pressée dure environ 2h30, entre broyage, chauffe et pressée proprement dite. J’essaye d’en faire neuf dans la journée. La décantation dure au minimum 15 jours, mais j’essaye de faire reposer l’huile au maximum”.

Dans notre laboratoire, nous expérimentons, nous testons et travaillons avec des cuisiniers et des gens qui ont du nez pour acquérir une certaine expertise dans le domaine et développer de nouveaux produits. Notre gamme est en train de s’élargir avec la farine de noix que nous commençons tout juste à commercialiser. Nous avons plein d’autres projets à l’étude mais il est encore trop tôt pour en parler”.

Quelques repères

1992 : 20 ha de noyers plantés
2010 : obtention du label bio
2014 : vente directe
2020 : 60 tonnes de noix récoltées
2021 : construction d’un nouveau bâtiment et laboratoire

Produits
Cerneaux
Noix coques
Huile
Farine

Retrouvez les produits du Chély dans les magasins spécialisés en agriculture biologique.

Pour les contacter c’est ici 

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